LE CHIRURGIEN ORTHOPEDISTE
VI - Quelle attitude pour le chirurgien orthopédiste en présence d’une personne avec un syndrome d’Ehlers Danlos ?
VII - Les grandes lignes du traitement non chirurgical du Syndrome d’Ehlers-Danlos sur le plan orthopédique.
Conclusions
Ex chef de service de Réadaptation médicale au CHU Henri Mondor.
Médecin Consultant, Service de Médecine Physique (J.Y. Maigne), Hôtel-Dieu de Paris.
« Il n’y a pas de meilleur livre pour le médecin que le malade » (Giorgio Baglivi, pionnier de la Médecine clinique. 1668-1707.
Collège de la Sapienne, Rome,)Le Syndrome d’Ehlers-Danlos (SED) et la chirurgie ne font pas bon ménage.
Ce syndrome peut être un piège pour le chirurgien et c’est parfois, devant l’échec de la chirurgie orthopédique, que se pose la question de son diagnostic.
Actualisation de la clinique du Syndrome d’Ehlers-Danlos.
Ce sont d’abord les fractures.
Elles sont exceptionnelles malgré la fréquence des chutes, probablement parce que l’élasticité des tissus joue un rôle d’amortisseur et absorbe les contraintes qui s’exerceraient, dans d’autres conditions contre les structures osseuses.
C’est ensuite l’arthrose que nous n’avons pas observée sauf chez une personne ayant été, dans l’enfance, opérée d’une hanche.
Ce sont les entorses (ou pseudo entorses car les ligaments sont tellement étirables qu’ils se déchirent peu ou pas lors de mouvements forcés de la cheville ou du genou).
La présence d’une ecchymose ne doit pas faire abusivement porter le diagnostic d’entorse grave et conduire opérer.
L’immobilisation doit être aussi brève que possible pour éviter les effets de désinsertion scolaire et de désadaptation proprioceptive comme nous l’avons récemment observée chez une jeune fille de 12 ans qui, 24 heures auparavant s’était fait une luxation du coude, réduite quasi spontanément, qui avait entraîné une immobilisation en écharpe : elle était totalement incapable de percevoir, les yeux fermés, les déplacements passifs, même de grande amplitude, de son coude.
Le strapping est mal toléré par la peau, les orthèses rigides aussi.
Il est difficile d’utiliser des cannes ou un fauteuil roulant mécanique du fait des atteintes des membres supérieurs.
Les douleurs sont souvent importantes et conduisent aux traitements antalgiques surtout locaux (gels ici particulièrement efficaces sur ces peaux fines), au froid (5 à 10 minutes) pas toujours bien toléré.
Les algodystrophies, contrairement à ce qu’on aurait pu attendre, ne nous semblent pas particulièrement fréquentes.
Elle est tout à fait imprévisible.
Il ne s’agit pas d’une maladie dégénérative, à l’instar de certaines maladies neurologiques avec lesquelles on le confond parfois.
On peut considérer que la question est celle de l’état d’équilibre qui s’établit entre les réactions d’un tissu conjonctif d’une structure particulière et les contraintes internes et externes qui vont lui être imposées.
Parmi les facteurs externes figurent les éléments climatiques, un bon nombre de nos patients sont améliorés par un climat sec et chaud.
Ils sont également nettement mieux dans l’eau, ils souffrent moins, se meuvent avec aisance et ont une meilleure perception de leur corps cutané et ostéo-articulaire.
Ces effets sont durables ; c’est dire que la piscine, la balnéothérapie chaude, le thermalisme ; la thalassothérapie et les bains chauds individuels, sont des moyens efficaces pour lutter les effets du syndrome.
Le froid est habituellement mal toléré.
Un traumatisme violent (lors d’un accident de voie publique par choc arrière en voiture, comme nous l’avons observé) peut être un facteur révélateur d’un syndrome plus ou moins quiescent ou d’une phase d’aggravation.
Parmi les facteurs internes, nous privilégions le facteur endocrinien sur lequel nous orientons nos recherches en lien avec les endocrinologues.
La prédominance féminine, l’atténuation des symptômes à la ménopause et, surtout, pendant les grossesses ouvrent des pistes de recherches.
Le rôle de l’anémie ferriprive combinée aux difficultés respiratoire est une autre piste de recherche.
Ceci nous conduit à introduire la notion des crises telles que nous les observons.
Leur survenue est très variable.
Elles se manifestent par un renforcement des symptômes, tout particulièrement les douleurs et la fatigue. Ailleurs, c’est la survenue d’un épisode déficitaire pseudo paralytique des membres inférieurs ou d’un hémicorps.
Ailleurs encore ce sont les manifestations de type neurovégétatif qui dominent avec des modifications vaso-motrices des extrémités, des sensations de lourdeurs des membres, « de se vider de l’intérieur », ailleurs encore c’est une crise respiratoire avec des sensations d’étouffement, de blocage respiratoire qui peuvent entraîner une hospitalisation en urgence.
Par handicap, nous entendons les situations handicapantes vécues par le patient, selon une approche quadridimensionnelle que nous avons largement validée : lésionnelle, fonctionnelle, situationnelle et de la subjectivité.
« Constitue un handicap (ou une situation de handicap) le fait, pour une personne, de se trouver, de façon temporaire ou durable, limitée dans ses activités personnelles ou restreinte dans sa participation à la vie sociale du fait de la confrontation interactive entre ses fonctions physiques, sensorielles, mentales et psychiques lorsqu’une ou plusieurs sont altérées et, d’autre part, les contraintes physiques et sociales de son cadre de vie. »
Le maintien d’une vie sociale de la meilleure qualité possible implique de s’appuyer sur les avantages médicaux (accès aux soins) de l’inscription en maladie de longue durée sous la rubrique « maladies invalidantes hors-liste » ce qui ne permet cependant pas d’obtenir la gratuité des prestations très utiles ici (contentions élastiques, TENS) mais assure celle des transports et sur les prestations sociales de la Loi du 11 février 2005 en s’adressant à la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH).
A ces deux niveaux se pose la question de la reconnaissance de ce « handicap invisible » pour ceux qui ne le connaissent pas et qui sont nombreux dans ces instances.
La question de l’insertion scolaire est primordiale pour l’avenir de ces enfants.
La politique d’insertion scolaire menée depuis la loi du 11 février 2005 apporte des solutions d’accompagnement scolaire qui conviennent bien aux enfants avec un syndrome d’Ehlers-Danlos mais des difficultés peuvent persister par manque de personnel ou du fait de mécanismes de rejet ou d’incompréhension, notamment de la part des autres élèves du fait de la singularité et de la variabilité du syndrome qui s’éloigne nettement des stéréotypes qui accompagnent la notion de personnes handicapée.
Leurs résultats scolaires sont souvent excellents malgré les difficultés d’intégration rencontrées ce qui est un atout considérable pour leur avenir.Sur le plan professionnel, le maintien au travail est difficile, principalement du fait de la fatigue .
L’orientation professionnelle doit tenir compte de la possibilité de majoration des difficultés fonctionnelles (ce qui n’est cependant pas toujours le cas).
Des réinsertions professionnelles sont possibles mais, malheureusement aussi, des exclusions du monde professionnel. Les particularités du Syndrome (hypermobilité, registre vocal riche, finesse de l’oreille) sont des atouts.
De même, parmi nos patients, figurent plusieurs artistes professionnels (danseuse, musicienne et chanteur d’opéra).
Paganini (pour lequel un syndrome de Marfan est aussi évoqué) et Michael Jackson avaient probablement un Syndrome d’Ehlers-Danlos.
L’activité physique (incluant le sport à l’école), lorsqu’elle est possible sans pénibilité, ne doit pas être exclue, au contraire, elle peut être une ouverture vers la rééducation.
Certaines de nos patientes sont d’excellentes cavalières et participent à des concours hippiques.
En fait, parmi nos 350 patients, il existe toute une gamme de possibilités entre des personnes jeunes (de sexe masculin surtout) qui ont des manifestations minimes ou plutôt des inconforts dans la vie au quotidien et des personnes très sévèrement handicapées, utilisant le fauteuil roulant électrique ou/et l’auto-sondage, très dépendantes pour les actes les plus essentiels de la vie courante.
La part de la subjectivité et du ressenti est considérable du fait du type de la sévérité des douleurs et de la fatigue mais aussi de la souffrance ressentie, empreinte d’étrangetés de la part d’un corps qui « n’obéit pas », qui est dissocié de l’être psychique.
Tout d’abord il faut en faire le diagnostic
Bien souvent, c’est à l’occasion d’une discussion sur l’intérêt d’une intervention chirurgicale orthopédique que ce diagnostic est évoqué, s’il n’est pas déjà fait.
C’est fréquent du fait de la non ou mal connaissance, pour l’immense majorité du corps médical, de ce syndrome que certains continuent, d’ailleurs, à nier obstinément.
Ce sera donc au chirurgien de trouver les arguments cliniques du diagnostic, à compléter, ultérieurement par des médecins aptes, aussi, à en assurer le suivi, notamment en Médecine Physique et en Réadaptation.
La question se pose devant une épaule qui se luxe de façon récidivante, une rotule instable, une cheville siège d’entorses répétées, des doigts qui se subluxent.
La question de l’opportunité d’un geste de chirurgie orthopédique est envisagée devant les échecs des autres moyens utilisés.
L’importance et le caractère diffus de la laxité, la peau étirable et fragile avec des ecchymoses fréquentes, l’association à des douleurs diffuses, à une fatigue intense, à une constipation rebelle, des troubles bronchiques doivent donner l’éveil et conduire au diagnostic surtout s’il y a d’autres cas identiques dans la famille.
Les diagnostics différentiels sont :
- l’hypermobilité simple dont il faut s’assurer qu’elle est bien isolée
- le syndrome de Marfan qui pose des problèmes analogues de mobilité mais est caractérisé par son aspect morphologique (surdimensionnement des membres avec arachnodactylie, déformations du sternum) et atteintes vasculaires,
- la fibromyalgie, au diagnostic médiatisé au sein duquel se nichent des personnes avec un syndrome d’Ehlers-Danlos, comme nous l’avons, constaté à plusieurs reprises.
Ensuite, il faut s’abstenir d’intervenir
L’abstention chirurgicale doit être la règle, une fois le diagnostic fait (ou suspecté) il convient de s’abstenir d’opérer.
L’échec est quasiment constant comme dans le cas de cette patiente qui a été opérée sept fois de la même épaule ou de celle qui a subi, au total, 40 interventions de chirurgie orthopédique.
Ces restrictions chirurgicales sont également justifiées par les difficultés de suture et les problèmes de cicatrisation qui est lente avec des cicatrices presque toujours très inesthétiques, chéloïdes, fragiles, ecchymotiques, pigmentées ou, au contraire, blanchâtres.
Les saignements en nappe, parfois abondants, constituent un autre handicap pour le chirurgien.
Les luxations se réduisent le plus souvent spontanément ou avec des manœuvres simples.
Le recours à l’anesthésie générale est tout à fait exceptionnel, en tout cas avec les informations que nous avons recueillies chez nos patients.
Les douleurs sont toujours particulièrement intenses, y compris après la réduction, et justifient une immobilisation courte et des traitements antalgiques locaux et généraux.
Il est des cas très difficiles comme celui de cette étudiante qui après échec de la chirurgie se trouve en luxation permanente des l’épaule droite.
La chirurgie est très aléatoire quel que soit le type d’intervention choisi.
On observe, cependant, rarement une stabilisation relative après une butée, ce type de résultat implique un approfondissement.
Certaines orthèses rendent service.
Il faut savoir aussi que ces épaules se luxent parfois par périodes.Les entorses sont fréquentes.
Nous ne les considérons pas comme de « vraies » entorses, car l’étirabilité des ligaments les protège probablement de la rupture.
Il est donc inutile de les « réparer » même s’il y a une ecchymose qui est banale et ne signe pas la rupture ligamentaire chez ces personnes qui ont une fragilité tissulaire.
Les traitements locaux font appels aux gels au froid s’il est accepté et a l’immobilisation (de un à quelques jours, en sachant que l’usage des cannes est souvent difficile et générateur d’autres douleurs).
Le strapping est à proscrire du fait de la fragilité de la peau.
Une simple contention élastique (du type Biflex) peut être suffisante. Il faut éviter trop d’immobilisation susceptible d’aggraver les troubles proprioceptifs.
L’usage ultérieur des plateaux instables pour la rééducation est souvent impossible.
Il faut procéder autrement dans le cadre d’une rééducation très globale du schéma corporel.
La scoliose modérée que nous observons presque constamment, ne relève que d’une surveillance clinique, accessoirement radiologique.
Elle est sans conséquences fonctionnelles.
En tout cas, ce n’est pas elle qui provoque les douleurs du dos très fréquentes ici.
Les corsets de correction de la scoliose et sans doute peu efficaces du fait de l’hyperlaxité, d’une façon générale, sont mal tolérés par des peaux fragiles.
La chirurgie a des indications dans les formes de scolioses sévères et évolutives.
A l’étage cervical, la très grande instabilité cervicale, parfois observée peut conduire à une chirurgie de stabilisation, préventive d’accidents neurologiques.
Les manipulations par qui que ce soit, sont formellement contre indiquées car elles peuvent être à l’origine potentiellement d’accidents vasculaires vertébro-basilaires gravissimes comme nous l’avons observé.
Au niveau dorso-lombaire, là aussi, les manipulations peuvent être dévastatrices. La chirurgie n’a pas d’indication.
Pour ceux qui seraient influencés par des images discales, il faut rappeler que la souplesse du tissu ligamentaire peut s’accompagner de pincements et bombements ou hernies discales, sans conséquences cliniques habituellement.
Certains gestes chirurgicaux ont pu, ponctuellement, donner des résultats au niveau des doigts et de l’épaule et les indications chirurgicales mériteraient d’être mieux explorées pour ces articulations.
C’est le cas de cette femme que nous suivons qui n’arrive même pas à redresser sa main contre son propre poids, du fait de l’étirabilité extrême de ses tendons extenseurs, et pourrait bénéficier d’une arthrodèse dont elle rejette l’idée.
Il faut tenir compte aussi du mécanisme de l’instabilité articulaire qui n’est pas seulement le fait de l’hypermobilité mais aussi des troubles proprioceptifs.
Les vêtements compressifs, des orthèses de contention rigide (stabilisation du poignet, orthèse plantaire…) les contentions souples (écharpe de Montréal, orthèses souples du type « tennis elbow » ou du poignet, des genoux, des chevilles…) contribuent à réduire, de façon souvent importante, les phénomènes d’instabilité associés aux douleurs articulaires.
La chirurgie plastique
Les altérations cutanées inesthétiques sont difficiles à traiter par la chirurgie qui obtient parfois des résultats inverses de ceux recherchés comme nous avons pu le constater.
La liposuccion trouve ici des indications devant des infiltrats cellulitiques très importants.
La Chirurgie pelvienne et vésico sphinctérienne
Nous en avons peu d’expérience, dans l’un de nos cas (réparation du périnée), les conséquences ont été un échec total.
Quelques uns de nos patients ont été opérés d’un reflux vésico-sphinctérien ou pour une incontinence (pose d’une bandelette).
La chirurgie abdominale
Il peut s’agir d’accidents vasculaires ou de perforations coliques dramatiques.
Elles sont très rares.
Plus souvent, le chirurgien est confronté avec des syndromes occlusifs par sédimentation de matières durcies dans le colon.
Dans ce cas, il faut éviter les amputations coliques qui ont parfois été réalisées.
La chirurgie de la vésicule biliaire ne semble pas poser de problème particulier.
Les reflux gastro-oesophagiens réagissent bien aux anti-acides.
La chirurgie est ici, à priori, contre indiquée.
L’intervention dite de l’anneau gastrique parfois demandée dans certaines formes de S.E.D. accompagnées d’obésité est déconseillée.
Les hernies pariétales peuvent efficacement bénéficier de la chirurgie avec succès, comme nous l’avons constaté chez l’enfant.
La prudence s’impose cependant sur ce terrain.
La chirurgie vasculaire
Elle peut se faire en urgence dans les très rares formes du syndrome qui peuvent avoir pour complications des ruptures de gros vaisseaux et pour lesquelles, des interventions préventives peuvent être envisagées.
Il n’y a pas de place pour la chirurgie cardiaque.
Il faut être prudent, en chirurgie phlébologique dans les indications de stripping.
En stomatologie et odontologie
Quelques interventions de greffes des muqueuses ont été réalisées pour contrer l’atrophie nocive à la santé des dents.
Une attitude conservatrice doit être prônée face aux altérations dentaires.
- Soulager les douleurs
- Réduire et compenser les difficultés de proprioception.
- Eduquer et motiver les personnes concernées par le syndrome et leurs familles. Les moyens
- Les contentions élastiques (gantelets, gilets, pantalon, chevillière en cicatrex nature, bas de contention de classe 2, ceintures lombaires (type Lombaskin, Lombacross activity, Lombax-dorso), genouillères, orthèses d’épaule (épaulières, écharpe de Montréal), orthèses de coude (tennis elbow), de poignet (ligaflex, bracelet élastique), de doigts. Utilisation de bandes Biflex.
- Les orthèses rigides : semelles plantaires avec appui rétrocapital médian et voûte interne, orthèses de repos des poignets et des doigts, gouttières cruro-pédieuses, coques moulées (, des chaussures orthopédiques.
- Des supports anti escarres (coussins, matelas, surmatelas).
- Le TENS, les gels locaux, la cryothérapie, la thermothérapie sous différentes formes.
- L’eau : bains individuels chauds domestiques, kinébalnéothérapie, piscine, thermalisme, thalassothérapie. La Kinésithérapie se doit d’être proprioceptive et antalgique avec massages antalgiques et exercices isométriques.
Les pratiques dérivées du Kabat, du Bobath mais aussi du Tai-chi-chuan (qui nous vient de moines taôistes guerriers) ouvrent des voies pour la rééducation de la perception corporelle et du contrôle des mouvements dans laquelle l’ergothérapie avec l’apport d’aides techniques, l’accompagnement psychologique et, parfois, psychiatrique (épisodes dépressifs réactionnels) ont leur place.
La rééducation à l’effort, bien programmée, a apporté quelques résultats.
Le chirurgien et le SED
LE CHIRURGIEN ORTHOPÉDISTE
Sommaire de l'article
VI - Quelle attitude pour le chirurgien orthopédiste en présence d’une personne avec un syndrome d’Ehlers Danlos ?
VII - Les grandes lignes du traitement non chirurgical du Syndrome d’Ehlers-Danlos sur le plan orthopédique.
Conclusions
Ex chef de service de Réadaptation médicale au CHU Henri Mondor.
Médecin Consultant, Service de Médecine Physique (J.Y. Maigne), Hôtel-Dieu de Paris.
« Il n’y a pas de meilleur livre pour le médecin que le malade » (Giorgio Baglivi, pionnier de la Médecine clinique. 1668-1707.
Collège de la Sapienne, Rome,)Le Syndrome d’Ehlers-Danlos (SED) et la chirurgie ne font pas bon ménage.
Ce syndrome peut être un piège pour le chirurgien et c’est parfois, devant l’échec de la chirurgie orthopédique, que se pose la question de son diagnostic.
Actualisation de la clinique du Syndrome d’Ehlers-Danlos.
Ce que le chirurgien orthopédiste ne verra pas ou très peu
Ce qu’il verra par contre plus souvent
Ce sont les entorses (ou pseudo entorses car les ligaments sont tellement étirables qu’ils se déchirent peu ou pas lors de mouvements forcés de la cheville ou du genou).
La présence d’une ecchymose ne doit pas faire abusivement porter le diagnostic d’entorse grave et conduire opérer.
L’immobilisation doit être aussi brève que possible pour éviter les effets de désinsertion scolaire et de désadaptation proprioceptive comme nous l’avons récemment observée chez une jeune fille de 12 ans qui, 24 heures auparavant s’était fait une luxation du coude, réduite quasi spontanément, qui avait entraîné une immobilisation en écharpe : elle était totalement incapable de percevoir, les yeux fermés, les déplacements passifs, même de grande amplitude, de son coude.
Le strapping est mal toléré par la peau, les orthèses rigides aussi.
Il est difficile d’utiliser des cannes ou un fauteuil roulant mécanique du fait des atteintes des membres supérieurs.
Les douleurs sont souvent importantes et conduisent aux traitements antalgiques surtout locaux (gels ici particulièrement efficaces sur ces peaux fines), au froid (5 à 10 minutes) pas toujours bien toléré.
Les algodystrophies, contrairement à ce qu’on aurait pu attendre, ne nous semblent pas particulièrement fréquentes.
Evolution du syndrome d’Ehlers-Danlos
Elle est tout à fait imprévisible.
Il ne s’agit pas d’une maladie dégénérative, à l’instar de certaines maladies neurologiques avec lesquelles on le confond parfois.
On peut considérer que la question est celle de l’état d’équilibre qui s’établit entre les réactions d’un tissu conjonctif d’une structure particulière et les contraintes internes et externes qui vont lui être imposées.
Parmi les facteurs externes figurent les éléments climatiques, un bon nombre de nos patients sont améliorés par un climat sec et chaud.
Ils sont également nettement mieux dans l’eau, ils souffrent moins, se meuvent avec aisance et ont une meilleure perception de leur corps cutané et ostéo-articulaire.
Ces effets sont durables ; c’est dire que la piscine, la balnéothérapie chaude, le thermalisme ; la thalassothérapie et les bains chauds individuels, sont des moyens efficaces pour lutter les effets du syndrome.
Le froid est habituellement mal toléré.
Un traumatisme violent (lors d’un accident de voie publique par choc arrière en voiture, comme nous l’avons observé) peut être un facteur révélateur d’un syndrome plus ou moins quiescent ou d’une phase d’aggravation.
Parmi les facteurs internes, nous privilégions le facteur endocrinien sur lequel nous orientons nos recherches en lien avec les endocrinologues.
La prédominance féminine, l’atténuation des symptômes à la ménopause et, surtout, pendant les grossesses ouvrent des pistes de recherches.
Le rôle de l’anémie ferriprive combinée aux difficultés respiratoire est une autre piste de recherche.
Ceci nous conduit à introduire la notion des crises telles que nous les observons.
Leur survenue est très variable.
Elles se manifestent par un renforcement des symptômes, tout particulièrement les douleurs et la fatigue. Ailleurs, c’est la survenue d’un épisode déficitaire pseudo paralytique des membres inférieurs ou d’un hémicorps.
Ailleurs encore ce sont les manifestations de type neurovégétatif qui dominent avec des modifications vaso-motrices des extrémités, des sensations de lourdeurs des membres, « de se vider de l’intérieur », ailleurs encore c’est une crise respiratoire avec des sensations d’étouffement, de blocage respiratoire qui peuvent entraîner une hospitalisation en urgence.
Les personnes avec un Syndrome d’Ehlers-Danlos, leurs situations de handicap et leur vécu subjectif
Par handicap, nous entendons les situations handicapantes vécues par le patient, selon une approche quadridimensionnelle que nous avons largement validée : lésionnelle, fonctionnelle, situationnelle et de la subjectivité.
« Constitue un handicap (ou une situation de handicap) le fait, pour une personne, de se trouver, de façon temporaire ou durable, limitée dans ses activités personnelles ou restreinte dans sa participation à la vie sociale du fait de la confrontation interactive entre ses fonctions physiques, sensorielles, mentales et psychiques lorsqu’une ou plusieurs sont altérées et, d’autre part, les contraintes physiques et sociales de son cadre de vie. »
Le maintien d’une vie sociale de la meilleure qualité possible implique de s’appuyer sur les avantages médicaux (accès aux soins) de l’inscription en maladie de longue durée sous la rubrique « maladies invalidantes hors-liste » ce qui ne permet cependant pas d’obtenir la gratuité des prestations très utiles ici (contentions élastiques, TENS) mais assure celle des transports et sur les prestations sociales de la Loi du 11 février 2005 en s’adressant à la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH).
A ces deux niveaux se pose la question de la reconnaissance de ce « handicap invisible » pour ceux qui ne le connaissent pas et qui sont nombreux dans ces instances.
La question de l’insertion scolaire est primordiale pour l’avenir de ces enfants.
La politique d’insertion scolaire menée depuis la loi du 11 février 2005 apporte des solutions d’accompagnement scolaire qui conviennent bien aux enfants avec un syndrome d’Ehlers-Danlos mais des difficultés peuvent persister par manque de personnel ou du fait de mécanismes de rejet ou d’incompréhension, notamment de la part des autres élèves du fait de la singularité et de la variabilité du syndrome qui s’éloigne nettement des stéréotypes qui accompagnent la notion de personnes handicapée.
Leurs résultats scolaires sont souvent excellents malgré les difficultés d’intégration rencontrées ce qui est un atout considérable pour leur avenir.Sur le plan professionnel, le maintien au travail est difficile, principalement du fait de la fatigue .
L’orientation professionnelle doit tenir compte de la possibilité de majoration des difficultés fonctionnelles (ce qui n’est cependant pas toujours le cas).
Des réinsertions professionnelles sont possibles mais, malheureusement aussi, des exclusions du monde professionnel. Les particularités du Syndrome (hypermobilité, registre vocal riche, finesse de l’oreille) sont des atouts.
De même, parmi nos patients, figurent plusieurs artistes professionnels (danseuse, musicienne et chanteur d’opéra).
Paganini (pour lequel un syndrome de Marfan est aussi évoqué) et Michael Jackson avaient probablement un Syndrome d’Ehlers-Danlos.
L’activité physique (incluant le sport à l’école), lorsqu’elle est possible sans pénibilité, ne doit pas être exclue, au contraire, elle peut être une ouverture vers la rééducation.
Certaines de nos patientes sont d’excellentes cavalières et participent à des concours hippiques.
En fait, parmi nos 350 patients, il existe toute une gamme de possibilités entre des personnes jeunes (de sexe masculin surtout) qui ont des manifestations minimes ou plutôt des inconforts dans la vie au quotidien et des personnes très sévèrement handicapées, utilisant le fauteuil roulant électrique ou/et l’auto-sondage, très dépendantes pour les actes les plus essentiels de la vie courante.
La part de la subjectivité et du ressenti est considérable du fait du type de la sévérité des douleurs et de la fatigue mais aussi de la souffrance ressentie, empreinte d’étrangetés de la part d’un corps qui « n’obéit pas », qui est dissocié de l’être psychique.
Quelle attitude pour le chirurgien orthopédiste en présence d’une personne avec un syndrome d’Ehlers Danlos ?
Quelle attitude de la part du chirurgien devant les luxations et les entorses ?
À propos du rachis
Y-a-t-il une place pour la chirurgie orthopédique dans le syndrome d’Ehlers-Danlos ?
Au-delà de la chirurgie orthopédique : apport et non-apport des chirurgiens aux personnes avec un syndrôme d’Ehlers-Danlos
Les grandes lignes du traitement non chirurgical du Syndrome d’Ehlers-Danlos sur le plan orthopédique : Les objectifs
Les relations du chirurgien avec les personnes ayant un syndrome d’Ehlers Danlos doivent être empreintes d’une grande prudence et le mieux est, dans la grande majorité des cas, de s’abstenir.
La difficulté ici est que chacun des opérateurs potentiels dispose de peu de cas et que les confrontations médecins-chirurgiens sur cette question sont très rares.
Pourtant, tant dans le domaine de l’orthopédie que de l’appareil digestif, l’abstention opératoire est la règle de conduite. Une réflexion s’impose pour mieux cibler, dans le futur, les indications utiles ou nécessaires.
Il est surtout important de connaître ce syndrome à la fois « à pièges diagnostiques » pour le médecin et cause de souffrances mal comprises pour le patient.
Bibliographie
1 - Miget A. « Le Syndrome d’Ehlers-Danlos », Thèse pour le doctorat en médecine, Faculté de Médecine de Paris 1933.
2 - Ehlers E., « Cutis laxa, tendances aux hémorragies de la peau, relâchement de plusieurs articulations (cas pour diagnostic). » Société danoise de dermatologie, 15 décembre 1899, m. Dermatol. Woch. VIII, p. 173.
3 - Hallopeau et Macé de l’Epinay, « Sur un cas de Xanthome tubéreux et de tumeurs juvéniles offrant les caractères du xanthome diabétique », Bull. Soc. franç. de dermatologie. et syph. 3 mai 1906, p. 283. C’est ce cas qui sera repris, peu après, par Danlos avec une rectification du diagnostic.
4 - Beighton P, De Paepe A., Steinman B. & al., « Ehlers-Danlos syndrome: revised nosology », Villefranche 1997, Am. J. Med, Genet, 1998, 77, 33-7.
5 - Hamonet Cl., Dassouli A., Kponton-Akpabie A., Boulay Ch., Macé Y., Rigal C. "Une pathologie mal connue, source d'errances diagnostiques et thérapeutiques : le syndrome d'Ehlers-Danlos. Apports nouveaux de la médecine de Rééducation." Entretiens de Bichat, Médecine. Paris, Expansion scientifique française, pp. 6-9, 2001.
6 - Hamonet Cl., Boucand H., Dassouli A., Kponton-Akpabie A., Boulay C., Boulanger A., Macé Y., Rigal C., Magalhaes T., "Apports de la médecine physique et de Réadaptation chez les personnes avec un Syndrome d'Ehlers-Danlos", Encyclopédie médico-chirurgicale, 26-478-A-10, 2003,11p.
7 - Hamonet Cl., "Le syndrome d'Ehlers-Danlos (SED) : une entité clinique et génétique insolite, orpheline, et handicapante, mal connue dont la rareté doit être remise en question. Apport de la Médecine Physique et de réadaptation", Journal de Réadaptation médicale, N°2-3, septembre 2007, volume 27, pp. 64-70.
8 - Mazaltarine G., Hamonet Cl., « Premières expériences d’une consultation antidouleur dans un service de Médecine Physique et de Réadaptation à propos du Syndrome d’Ehlers-Danlos », Journal de Réadaptation Médicale, vol. 28, N°1, pages 1-46, avril 2008, P. 33-39.
9 - Rigal-Roger C., « Syndrome d’Ehlers-Danlos et travail », Thèse, Faculté de médecine de Créteil, juin 2003.
10 - Hamonet Cl., « Handicap, le côté positif », in « Handicap et Droit », actes du colloque des 24, 25, 26 novembre 1983, Palais de Justice de Créteil, éditions CTNERHI-PUF, Paris, 1985.
11- Magalhaes T., Hamonet Cl., Carneiro de Sousa MJ, Matos E, Ribeiro C, Gram A., Pinto da Costa, "Corporeal damage assessment in common law. A proposal", Med Law 15: 627-632.
12 - Hamonet Cl., Petitbon A., Kponton-Akpabie A., Laouar R., Mazaltarine P., Joseph C., Menzel P., Tamain S., Larrive P., " Epaule instable et syndromes d'Ehlers-Danlos", in "Instabilité de l'épaule et médecine de rééducation", coll. Pathologie locomotrice et de médecine orthopédique, Codine P., Hérisson C., Masson, 2006, pp33-37, Paris.
13 - Hamonet Cl., « Ehlers-Danlos, un syndrome en mutation et à pièges », Revue de Médecine Manuelle-Ostéopathie, Septembre 2008, n° 24, pp.27-32.
14 - Hamonet Cl., "Prologue", in "le corps mal-entendu, un médecin atteint d'une maladie rare témoigne" de Marie-Hélène Boucand, Vie Chrétienne, Paris, 2005.
Vous pouvez faire un Don, souscrire une adhésion : Un reçu fiscal de référence vous sera adressé en retour.
Adhérer :
Faire un Don :
Agissons Ensemble Maintenant ...
La peau est le problème central du syndrome d'Ehlers-Danlos (SED).
La peau est souvent mince (assimilée au papier à cigarettes), hyperextensible, vulnérable et sujette à des blessures faciles. La peau se compose de deux couches, la épiderme (couche supérieure) et derme. Un léger traumatisme, par ex. sur le tibia, le coude ou le genou peut entraîner blessure. Une fois suturée, les points de suture se déchirent facilement et la cicatrice peut s'élargir. Avec l'application de techniques de chirurgie plastique, le risque de tels problèmes peut être réduit. L'utilisation de lignes de peau ou de lignes de tension de la peau détendue. Quand un incision est faite dans l'une de ces lignes de peau, il est possible de le fermer avec une tension minimale qui entraînera une meilleure guérison. Pour la chirurgie.
Un autre problème est la diminution de l'anésthésie locale qui peut s'expliquer par la dispersion rapide de la solution à cause du laxisme peau. On retrouve des cicatrices médiocres et défigurantes après une opération ou une blessure, et une pigmentation permanente de la peau après les hémorragies.
Une intervention chirurgicale médicalement nécessaire peut et doit avoir lieu normalement, mais en ce qui concerne "rajeunissements" et autres opérations cosmétiques, risques de cicatrice médiocre et défigurante formation et la probabilité d'autres complications doivent être évaluées par rapport à la possible avantages. Les patients souffrant de SED courent également un risque accru d'hémorragie et de saignement.
Il est préconisé de laisser les points pendant quelques jours de plus par rapport à la situation normale. Ceci est nécessaire car la plaie est moins résistante à l'étirement par rapport à la ciicatrisation des plaies chez des individus lambdas. Normalement, les points de suture sur le visage sont enlevés après 5-7 jours et ailleurs dans le corps après 10-14 jours, selon l'endroit.
La chirurgie plastique des tendons pour la stabilisation des articulations n'est pas significative chez les patients atteints de SED, l’effet est de courte durée.
Les patients souffrant de SED peuvent également développer une luxation des tendons, due à l'étirement des gaines ou rainures les tendons traversent. La reconstruction du tendon : il va s'étirer à nouveau, redevenir instable. .
En raison de la carence en support de collagène dans la peau, le vieillissement prématuré de la peau est souvent une caractéristique du SED. Un lifting pourrait être souhaitable, mais peut avoir des complications importantes. La peau ne peut pas être trop serré en raison du risque de déchirure; les cicatrices devant l'oreille peuvent devenir large et perceptible tandis que le plus grand risque de saignement peut entraîner des hématomes. L'élargissement du sein, également appelé augmentation mammaire, est effectué en plaçant une prothèse (silicone) sous la glande mammaire ou - plus profondément - sous la pectorale muscle. Pour pouvoir faire cela, une incision doit être faite dans le pli sous la poitrine ou dans le aisselle. Par la suite, une ouverture est faite pour s'adapter à la prothèse. Le risque d'hémorragie est plus grand, qui, s'il n'est pas drainé, pourrait entraîner une infection et des cicatrices supplémentaires. Cela augmente la risque de "contracture capsulaire", où le tissu cicatriciel autour de l'implant se contracte pour former une entreprise ballon. Cela peut être symptomatique et défigurer. En outre à la suite de la tension sur le blessure, une perturbation du processus de guérison peut se produire avec la possibilité de déhiscence de la plaie. Si cela se produit, la prothèse doit être enlevée. Enfin, un avertissement doit être donné pour le risque que la peau générera des "stries", à cause du poids des prothèses et de la tension la peau laxiste. Les patients sont alourdie par les seins lourds, avec douleur au cou et à l'épaule et parfois des plaintes de frotter la peau sous les seins. Une réduction mammaire pourrait alors être la solution. Pendant le opération une plaie raisonnablement importante est faite qui doit être cousue, de sorte que l'hémorragie pourrait être une complication. Lors de la couture du sein, aucune tension ne doit se produire, pour empêcher la déchirure de la blessure ou le développement de cicatrices larges. Après une opération réussie, un soutien-gorge bien soutenu doit être porté jour et nuit pendant au moins 6 semaines pour que les seins guérissent régulièrement.